J’ai appris que j’étais enceinte le 27 juillet 2014, le lendemain de mon enterrement de vie de jeune
fille, on était super heureux ! J’en ai eu les larmes aux yeux. Je n’ai malheureusement pas eu le temps
de me réjouir longtemps, une semaine après, le 1
er jour de mes congés d’été, je me mettais à vomir,
enceinte d’un peu plus de 3 semaines seulement. Je ne garde rien, ni eau, ni nourriture, je ne fais que
vomir, je suis très faible. Je vais voir le médecin au bout de 3 jours, il constate une chute de tension
(de 11 en temps normal à 8) et me prescrit du Donormyl, un médicament pour traiter les insomnies
mais avec également comme effet de limiter les nausées. Aucun résultat sur moi, je passe 2 semaines
et demi alitée, je vomis le jour et la nuit, je n’arrive pas à boire, je ne tiens pas debout, j’ai la tête qui
tourne dès que je me lève. Impossible de lire, de regarder la TV, d’envoyer des messages de mon
téléphone, impossible d’être concentrée sur quelque chose, j’arrive à peine à parler, un rien me
brasse et me fait vomir. C’est horrible de vomir autant, ça brule la gorge et la trachée, ça fatigue
énormément et ce n’était que le début.
Au bout de 2 semaines et demie, je retourne voir le médecin, je dois reprendre le travail. Je tiens à
peine debout, mon conjoint me soutient, je suis trop faible. J’ai perdu 5kg en 2 semaines et demie.
J’en perdrais environ 9 au total, j’ai arrêté de me peser après être passée en dessous des 45kg. Le
médecin m’envoie aux urgences tout de suite. Je vais arriver à 18h30 et être prise en charge à 23h30.
Je ne tiens même pas assise sur les chaises dans la salle d’attente, je suis obligée de m’allonger. Je
vais rester une semaine hospitalisée, sous perfusion pour me réhydrater et m’alimenter. Les
médecins me donnent un anti-nausées plus puissant, le Primpéran et me laissent 48h sans manger,
selon eux le fait de ne plus manger va aider à stopper les vomissements. Sauf que je vomis toujours
même avec le ventre vide. Ils décident donc de me réalimenter tout doucement, d’abord des
yaourts, puis des potages et ensuite des repas. Les vomissements se calment. Je n’arrive pas à
dormir, le temps est très long, je suis mal sur le lit. Les visites sont interdites à part celle de mon
conjoint une fois par jour. A chaque fois qu’il vient, je vomis : le fait de parler un peu, de l’écouter, je
suis vite brassée…
Je rentre chez moi, je suis en arrêt de travail. Je ne voulais pas leur annoncer ma grossesse avant 3
mois mais du coup je n’ai pas le choix. Je me suis prise une grosse claque, du jour au lendemain ma
vie s’est arrêtée, je reste alitée dans le noir, je ne peux voir personne. J’adore mon travail, je suis
encore persuadée à ce moment-là que je vais vite pouvoir reprendre. Ce ne sera pas le cas, je
passerai toute ma grossesse en arrêt. C’est mon conjoint qui annoncera pratiquement à toute notre
famille et nos amis que je suis enceinte. Pour ceux à qui je l’ai annoncé, c’était par mail ou par
message, je n’ai même pas eu ce plaisir-là, de l’annoncer de vive-voix !
Nous sommes fin août, nous devions nous marier le 20 septembre, nous sommes obligé de reporter
le mariage, nous le décalons au 8 novembre en pensant que j’aurai dépassé le 1
er trimestre donc que
j’irai mieux !
Je passe encore un mois et demi dans le même état, alitée, dans le noir, les nausées sont tellement
fortes que le Primpéran a peu d’effet. A la sortie d’hôpital, les médecins m’ont prescrit du Primpéran
en comprimé, évidement je le revomis ! Je demande donc des suppos avec les « effets secondaires »
qui s’ensuivent, dilatation et fuites… je passerai toute ma grossesse avec des protège-slips, super
agréable.
2
Les médecins me recommandent de manger de très petites quantités mais plusieurs fois, tout au
long de la journée et de boire par petites gorgées. Ça ne fonctionne pas du tout pour moi, je vomis
tout le temps. Je m’aperçois en testant que j’arrive à garder un peu de nourriture si je mange (des
mini-quantités) environ 1h-1h30 après la prise du Primpéran et que je ne remange plus après ; car
dès qu’il ne fait plus effet, je re-vomis. Je prends 4 Primpérans par jour, toutes les 6 heures et je
mange 2 fois par jour. Je suis sensée n’en prendre que 3 par jour mais sinon je ne fais que vomir,
même la nuit. Le Primpéran est un médicament puissant qui peut avoir des conséquences sur le
développement neurologique du bébé. Il est conseillé d’en prendre pendant 3 mois maximum, j’en
prendrais pendant 5 mois. C’est ça ou cesser d’être alimentée et hydratée. Il a également comme
effet secondaire de me shooter complètement, je suis à l’ouest ! Je garde un peu de nourriture, c’est
déjà ça mais je continue de vomir tous les jours et de maigrir.
Pendant toute cette période, je ne réalise pas que je suis enceinte, je suis malade. Mon conjoint me
parle de l’avortement, je n’en vois pas l’intérêt : nous voulons un enfant, si nous recommençons dans
quelque mois, cela se passera de la même façon. Il faut subir et tenir le coup. J’ai très peur de perdre
le bébé : les discours des médecins sont contradictoires : si on vomi c’est que le taux d’hormone est
très élevé, donc le bébé est bien accroché mais le fait de vomir et d’être si faible et sous-alimenté est
très mauvais. La prise d’un anti-nausée sur lequel les médecins n’ont pas de recul n’arrange rien…
Mon conjoint est génial pendant toute la grossesse, il me soutient et s’occupe de tout : ménage,
courses, papiers administratifs (il y en a beaucoup au début de la grossesse !), il me prépare à
manger et mets ça dans des petits bols qu’il m’apporte au lit. Il s’inquiète beaucoup, se remets à
fumer, passe des heures sur Internet pour essayer de trouver des témoignages et notamment des
aliments qui passeraient mieux ou n’importe quoi qui pourraient me soulager… Il nettoie mon vomis
quand je me loupe sans rien dire, il s’assoie à côté du lit tous les soirs après le boulot et me raconte
sa journée, essaie de me donner des nouvelles et de me changer les idées pendant un bref moment.
Je ne sais pas pourquoi je n’arrête pas de lui répéter « je ne veux plus être enceinte », il me dit :
« arrête de dire ça, dit que tu ne veux plus être malade mais pas ça ». Quand il rentre du sport (la
boxe), il me montre les mouvements et les enchainements qu’il a appris : ça me brasse et me donne
envie de vomir juste en le regardant! Il m’emmène à tous mes rendez-vous médicaux (évidement je
vomis pendant les trajets en voiture). Je vois mon médecin toutes les 2 semaines, je vais faire je ne
sais combien de prises de sang et d’analyses. Le médecin s’inquiète beaucoup que je continue à
maigrir et essaie d’éliminer toute autre cause possible aux vomissements. Il ne trouvera rien d’autre,
c’est la grossesse.
Il y a très peu d’aliments qui « passent ». Je mange toujours la même chose, du riz principalement et
des compotes de pomme. J’essaie plein de choses, je vomis pour la plupart. Je bois très très peu.
L’eau ne passe pas, je ne prends que du sirop de cassis ou de grenadine très sucré.
J’ai également d’autres « effets secondaires » de la grossesse : Hypersalivation, grosses crises d’acné,
saignement de nez…
Je vais faire ma 1
ère écho, il y a 2 filles plus jeunes que moi dans la salle d’attente qui sont là pour leur
1ère écho aussi. Nous sommes mi-septembre, il fait encore très beau, elles sont en petits hauts et
jupes, en pleine forme. Je suis blanche comme un linge, maigre comme un clou, je ne tiens pas
debout. Je me dis pourquoi moi ?
3
Je vais me regarder toute nue une seule fois dans le miroir avec mes 9 kgs de moins : je ne me
reconnais pas. J’ai pris un peu de poitrine et de ventre, j’ai les bras et les jambes comme les
anorexiques, j’ai les fesses toutes aplaties et qui pendent comme si on me les avait dégonflées, j’ai le
teint terne, le visage creux, des cernes, mes cheveux ont foncés (je ne sors plus de mon lit et ne voit
pas la lumière du jour), je perds mes cheveux par poignée… Je suis méconnaissable.
Mes parents sont inquiets. Comme à tout le monde, on leur dit de ne pas venir, je suis trop faible
pour les visites, je suis dans le lit dans le noir, je peux à peine sortir 2 phrases. Ils appellent
régulièrement mon conjoint pour avoir de mes nouvelles, je ne peux pas parler au téléphone.
Mes parents viendront me voir 2 fois à l’improviste pendant cette période : la 1
ère fois, je sors de
l’hôpital, je suis un peu remontée par la perfusion et je peux parler un peu. La 2
ème fois, impossible de
sortir du lit : ils discuteront avec mon conjoint et viendront juste me faire un coucou dans la chambre
avant de partir. Ma mère s’approche de moi et veux me faire un bisou, je lui dit « non, surtout pas »,
rien que l’odeur de son parfum allait me faire vomir. Elle me dit : « je ne comprends pas, moi je n’ai
pas vécu ça, mes 3 grossesses se sont super bien passées ». Je lui réponds : « ben t’as eu de la chance
toi ». Il n’y avait que mon bras qui était au-dessus de la couette, elle me dira plus tard : « j’en n’ai fait
des cauchemars, il était tellement maigre ».
Dans mon lit, je dors beaucoup mais il y aussi de longues heures où je suis seule et mal, je compte les
moutons et je chante en boucle « 3 p’tis chats » dans ma tête. Je n’arrête pas de bouger, j’essaie de
compter et de rester au moins 1 minute dans la même position pour essayer de me calmer. Je
regarde passer les minutes sur mon radio-réveil. Je n’arrive même pas à me projeter, à me dire
quand ça ira mieux, je ferai ça… le temps s’est arrêté.
Après un mois et demi de plus, le médecin veut me renvoyer à l’hôpital, je suis trop faible.
Evidemment je ne veux pas y retourner. 2 jours après, il appelle mon conjoint au travail : il a reçu
mes résultats d’analyses, c’est trop mauvais. Je suis hospitalisée le jour même. J’arrive aux urgences,
j’ai du mal à marcher, mon conjoint me soutien. Je suis maigre comme un clou, mon jean me tombe
sur les hanches. Je me rends compte alors que je suis vraiment dans un sale état : je fais peur. Tous
les gens de la salle d’attente me regardent. Une infirmière nous aperçoit et se précipite vers moi avec
un fauteuil roulant. Elle m’installe et me fait passer devant les autres personnes, elle me dit : « ça va
aller, ça va aller… ». Sa gentillesse me touche, j’ai les larmes aux yeux. Je suis prise en charge de
suite. Rebelote sous perfusion, les infirmières ont comme la 1
ère fois du mal à me la mettre : mes
veines sont trop fragilisées et pètent. Obligé d’appeler un anesthésiste qui lui y arrive heureusement.
Je tombe dans les pommes à cause de la perte, même faible, de sang lors des piqures. Je n’y reste
que 3 jours, cette fois je sais comment ça marche : je cache mon vomi pour pouvoir sortir plus tôt.
Les injections de Primpéran ne sont pas coordonnées avec les repas, je vomis encore plus qu’à la
maison. Je suis encore plus mal que lors de mon 1
er séjour, je ne dors pas, je compte les carreaux du
plafond… Je suis dérangée par le va et viens incessant. Le temps passe très très lentement.
Quand je sors de l’hôpital, cela va bientôt faire 3 mois que je suis enceinte. Les médecins m’ont tous
dit : ça va s’arrêter après le 1
er trimestre ! J’ai donc hâte et bon espoir sauf que ce n’est pas le cas !
J’ai quand même une amélioration, je passe à 3 prises de Primpéran par jour, j’augmente un peu les
quantités de nourriture (mais cela reste très faible par rapport à un repas normal) et j’arrive à ne pas
vomir du tout certain jour. Mais je ne peux pas me passer de Primpéran, si je l’arrête, je revomis de
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plus belle et je ne peux pas manger en dehors des prises. J’arrive également à me mettre 1 ou 2
heures par jour devant la TV, c’est déjà ça. Je passe encore un mois comme ça.
Mon médecin traitant s’inquiète et m’envoie consulter un obstétricien du CHU qui ne saura pas quoi
faire de plus.
Compte-tenu de mon état, nous sommes obligés une nouvelle fois de décaler le mariage. Cette fois
on mise sur l’année prochaine et on décale du 8 novembre 2014 au 29 août 2015. Je suis très déçue
une nouvelle fois même si cette fois je m’y attendais un peu. C’est tellement important pour nous de
nous marier. On s’aime tellement. Ça me déprime de ne plus avoir de vie et d’être une telle charge
pour mon conjoint, même si il ne se plaint jamais et fais tout pour moi.
Au 4
ème mois, nouvelle amélioration : je passe à 2 prises par jour et j’augmente encore un peu les
quantités de nourriture. Je peux lire un peu et passer quelques heures devant la TV. Je passe la
majorité de mon temps au lit, j’ai la tête qui tourne dès que je me lève. Le médecin me dit : il y a des
chances pour que cela dure toute la grossesse. Je commence à me faire à cette idée et à me dire que
je vais rester alitée et faible jusqu’à la fin. J’en suis malade.
J’accepterai au cours du 4
ème mois de voir mes soeurs et ma mère 1 ou 2 fois maintenant que je sors
un peu du lit. Je resterai allongée sur le canapé sous mes couvertures polaires pendant qu’elles
discutent. Cela me change un peu les idées même si ça me fatigue beaucoup d’avoir des visites. Je
refuse toujours celles des amis et collègues. Je suis gênée car je ne maîtrise rien : je peux très bien
vomir à tout moment ou me sentir très mal, cela dépend des jours. Certains insistent pour passer me
voir, même juste 10 minutes, je ne veux pas mais j’accepterai une fois celle de mes beaux-parents car
on ne me laisse pas trop le choix. On me dit : « mais ce n’est pas grave si tu vomis, faut pas te gêner
pour nous ». Mais, si, je suis gênée, et je n’ai aucune envie que l’on me voit dans l’état lamentable où
je suis. Sans parler de la fatigue et de mon état de faiblesse. Les gens ont du mal à comprendre ça et
aussi que je ne fais pas semblant, que ce n’est pas contre eux si je refuse de les voir. Ce n’est pas
méchant, cela part d’une bonne intention mais c’est difficile pour la personne malade. Eux sont
contents, m’ont vu 10 minutes mais moi je suis très mal à l’aise. Il faut respecter le choix du malade.
Je verrais également 2 fois mon amie Chloé pendant cette période. Elle rentre d’un voyage au tour
du monde pour 1 mois seulement, ensuite elle repart pour 6 - 7 mois. Cela fait 10 mois que je ne l’ai
pas vu et 15 ans que je la connais. Je suis moins gênée avec elle ! En plus, elle est infirmière au CHU,
elle en a vu d’autre ! La 1ère fois, cela se passe bien, je suis dans un bon jour. Je lui annonce que je
suis enceinte de 4 mois (pratiquement la seule à qui je le dit de vive voix et dont je peux voir la
réaction !). Elle est trop contente et ne m’en veux pas du tout d’avoir attendu de la voir pour le lui
dire. Je lui avais dit par mail que j’avais quelques soucis de santé et que j’étais arrêté mais sans lui
donner la cause. Je lui donnais moins de nouvelles étant donné que je ne pouvais pas sortir de mon
lit. Ça me fait vraiment plaisir de la voir, elle me raconte son voyage, c’est super. La 2
ème fois, je suis
trop mal, je vomis juste avant qu’elle n’arrive, elle repartira rapidement.
Je passe ma 2
ème écho (la 4ème en réalité car j’en n’ai fait une à chaque hospitalisation). Le médecin
nous annonce que c’est une fille et qu’elle est un peu petite, un peu en dessous de la moyenne, un
petit retard de croissance. Logique vu mon état des 4 derniers mois mais inquiétant quand même
surtout si les vomissements continuent. Heureusement quelques semaines après, à 5 mois de
grossesse, j’arrête de vomir. Enfin ! Au cours du 4
ème et 5ème mois, j’arrête de temps en temps de
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prendre le Primpéran pour voir si je vomis toujours, à chaque fois cela ne loupe pas ! Puis j’arrête
une nouvelle fois, 1
er jour je ne vomis pas, 2ème jour non plus, 3ème jour non plus… je me dis : ça y est
c’est enfin fini ! C’est une angoisse terrible de manger en ayant peur de vomir, cela me stresse
énormément, je prends des petites quantités aux mêmes heures que quand je prends le Primpéran.
Puis quand je me rends compte que c’est fini, j’essaie de reprendre une alimentation normale petit à
petit.
Je crois que je vais pouvoir reprendre le travail rapidement. Je ne me rends pas du tout compte de
l’état dans lequel je suis : 5 mois à vomir, je suis hyper faible, j’ai vraiment ramassé physiquement,
mes jambes ne me portent plus, je n’arrive pas à marcher. J’ai toujours une tension très basse. Les
médecins sont unanimes : je ne reprendrais pas le travail jusqu’à la fin de ma grossesse. Tous les
mois, j’écrivais à mon chef en lui disant que j’allais reprendre le mois d’après, que ça allait aller
mieux. J’y croyais sincèrement. Ils ont recruté quelqu’un pour me remplacer. J’ai fait quelques mails
pour donner des instructions et faire le point sur les dossiers en cours, ça me manquait terriblement.
Ils m’ont très peu sollicité heureusement et ont essayé de se débrouiller seuls. Au final, j’aurai été
absente 1 an au travail (arrêt dès le début de ma grossesse puis congé maternité), c’est énorme et
cela me rend vraiment triste car j’adore mon boulot. J’ai loupé tellement de choses, le retour sera
certainement très dur et très chargé…
Les 1ères semaines, je mange encore en petite quantité. Puis pendant 2 semaines, je vais manger
beaucoup plus, j’ai toujours faim, je n’arrête pas de grignoter. Je suis inquiète mais mon conjoint me
dit : « attends, ton corps a été privé pendant des mois, il se rattrape » et il a raison, cela se calmera
naturellement.
Je passe un mois au repos, je reprends un peu des forces grâce à l’alimentation mais je ne peux
toujours pas sortir. Je peux revoir un peu mon entourage à petites doses (amis et collègues compris
cette fois) mais la semaine je suis toute seule toute la journée, tout le monde travaille. Je vis très mal
le fait de rester enfermée et au repos, à ne rien faire pendant autant de temps. Je continue de
beaucoup dormir (12 heures par jour au minimum). Je me fatigue très rapidement, je ne peux
toujours pas participer aux taches de la maison : faire à manger, un peu de ménage ou une lessive. Je
lis, je regarde la TV… Nous sommes en décembre : je verrais tous les téléfilms de Noëls bidons… Fin
décembre, je passe Noël en famille, cela me fait beaucoup de bien ! Je reprends quelques kilos petit
à petit et mon ventre commence à bien s’arrondir même si il me semble petit pour 6 mois de
grossesse.
Malheureusement je suis toujours diminuée et j’attrape les premiers microbes qui passent !
Résultat : fin décembre, je suis malade comme un chien : rhume, toux très très forte, extinction de
voix. Je m’urine dessus dès que je tousse ou j’éternue. Comme je n’ai pas le droit de prendre de
médicament étant enceinte à part le paracetamol, cela mettra bien 1 mois entier à guérir ! Je tousse
très très fort, on a peur que cela ouvre le col, cela me fatigue encore plus. J’attrape également à ce
stade des hémorroïdes alors que je n’en n’ai jamais eu de toute ma vie. Le médecin me prescrit un
traitement d’un mois qui n’aura aucune efficacité : des suppos… J’en ai tellement pris pendant 5 mois
que j’en suis malade de devoir recommencer.
Je passerai le réveillon du jour de l’an toute seule à la maison : nous sommes invités à manger chez
ma belle-soeur mais je suis tellement mal qu’il m’est impossible d’y aller. La toux très forte me
réenclenchera les vomissements pendant quelques jours.
6
Je commence seulement à 6 mois à avoir des sentiments pour mon bébé : je la sens bien bouger,
mon ventre est présent. Je ressens ses coups depuis le 4
ème mois mais je pense que mon état m’a
empêché d’être réellement heureuse de cette grossesse.
Je me sens un peu mieux à partir du 7
ème mois (fin janvier), le fer et la vitamine C commencent
certainement à faire effet mais j’en ai marre. Le ventre me gêne. Je vomis toujours de temps en
temps sans comprendre pourquoi. Certains aliments (lait, tomates crues…) ne passent pas mais je les
évite. Je recommence à aider un peu à la maison : lessive, ménage mais toujours pas autant
qu’avant. Je lis plusieurs livres et magazines sur la grossesse. J’ai toujours du mal à prendre ma
douche et à me laver les cheveux : je suis essoufflé à chaque fois, j’ai la tête qui tourne, cela me
fatigue énormément. Je ne peux toujours pas sortir seule, aller faire des courses avec mon conjoint…
Je ne sors que pour les rendez-vous médicaux. Cela restera comme ça jusqu’à la fin de la grossesse.
C’est mon conjoint qui s’est occupé de tous les achats pour bébé : je l’ai accompagné une ou 2 fois
dans les magasins mais c’était réellement difficile. J’ai pu quand même choisir quelques articles sur
les prospectus et en suite il allait y acheter ! Nous avons également acheté la poussette 3 en 1 sur
internet, j’ai pu participer au choix !
Je commence à cette période les cours de préparation à l’accouchement. Mon conjoint vient avec
moi le soir après son boulot. C’est très intéressant et indispensable. Cela me permet aussi de me
sentir vraiment dans ma grossesse.
Mon conjoint avait trouvé un blog en début de grossesse, quand il cherchait à savoir ce que j’avais :
ce blog regroupe des témoignages de femme qui ont subi la même chose que moi. Je n’avais pas pu
le lire à l’époque compte tenu de mon état, j’en prends connaissance au cours du 7
ème mois. La
lecture des témoignages me donnent les larmes aux yeux : ça fait du bien de lire que d’autres
femmes ont vécu et ressenti la même chose que moi mais parallèlement je me rends compte que
c’est encore très douloureux et très présent dans mon esprit. Je décide alors d’écrire également tout
ça, pour que ça sorte, pour que je tourne la page et puis j’ai le temps en passant mes journées à ne
rien faire à la maison !
Cette maladie, l’hyperémèse gravidique ou vomissements gravidiques incoercibles, est mal connue,
même par les médecins. Pendant longtemps et encore maintenant certains pensent qu’il y a
uniquement une cause psychologique à cet état. Certaines femmes qui en ont souffert ont eu des
réflexions de leur part du type : c’est de votre faute, vous êtes sûre que vous le voulez ce bébé ?, de
l’entourage aussi: des amis et des collègues de travail qui n’ont pas compris et qui ne les ont pas du
tout soutenu : c’est de la comédie, elle exagère, on ne se met pas en arrêt de travail pour quelques
nausées… Vu ce qu’on vit, c’est très très difficile d’entendre çà. A l’hôpital, certaines ont été isolées
complètement, maintenues dans le noir : « La pratique de l’isolement instituée depuis 1914,
correspondait en la croyance selon laquelle ces femmes étaient des simulatrices qui espéraient
obtenir le droit à un avortement grâce à ce symptôme. En les isolant de leur environnement conjugal
et familial, les équipes médicales comptaient sur la révélation de leur désir d’avortement ». Pour ma
part, je n’avais pas droit aux visites pendant mon hospitalisation à part celle de mon conjoint,
heureusement car je n’aurai pas supporté de ne pas le voir. Je pouvais gérer la luminosité comme je
voulais mais il est vrai que j’étais mieux dans la pénombre. Je pense que l’hôpital perpétue
aujourd’hui l’isolement car les visites brassent et fatiguent trop dans cet état. J’aurai également un
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entretien avec une psychologue pendant mon premier séjour qui me jugera tout à fait prête et
sereine quant à la venue de ce bébé.
On lit d’autres grosses conneries sur Internet, écrites par des médecins qui expliquent que les
femmes qui souffrent de ce mal font un rejet de la grossesse, que ce sont souvent des jeunes, très
dépendantes de leur mère, en conflit affectif avec leur mari et à la personnalité immature, infantile…
C’est tout l’inverse de moi ! Ça me met hors de moi de lire ça ! C’est un des 1ers articles sur lequel on
tombe quand on tape sur google : « vomissements gravidiques », il date de 2005 (voir lien en fin de
récit).
D’autres médecins pensent que cette pathologie pourrait être liée à une production hormonale
supérieure à la normale ou bien à une fragilité méconnue du foie. A partir de la 4ème semaine de
grossesse, la concentration sanguine en hormone de grossesse (bêta-hCG) progresse très
rapidement. Elle double tous les 2-3 jours, avec un pic vers la 12ème semaine de grossesse (3 mois),
avant de redescendre petit à petit. Cela correspond exactement au cycle de mes vomissements.
Une étude récente évoque une cause génétique : avoir des cas dans la famille signifie que vous
courez 17 fois plus de risques d’en souffrir. 80% des femmes étudiées ont connu des récidives lors
des grossesses suivantes. Malheureusement il n’y a que très peu de recherches sur cette maladie et
sur les traitements prescrits actuellement. Nous n’avons que peu de recul et ceux-ci peuvent avoir de
graves conséquences sur le bébé : troubles neurologiques, fausse-couche, complications comme un
bébé trop petit à la naissance ou prématuré. Les anti-nausées prescrits, celui que j’ai pris y compris,
ont été formulés pour les personnes atteintes d’un cancer et traitées par chimiothérapie, ce n’est pas
du tout adapté pour des femmes enceintes. L’article en question (voir lien en fin de récit) se termine
par cette phrase : « Je vous jure que si les hommes tombaient enceintes, cela ferait longtemps que
nous aurions une solution ».
Pour ma part, j’ai été bien accompagnée par les médecins, les infirmières et mon médecin traitant
qui assurait le suivi de ma grossesse, j’ai également été très bien soutenu par mon entourage.
Mon conjoint a été d’un soutien incommensurable. Il a tout vécu avec moi. J’ai reçu beaucoup de
messages de mes soeurs, de mes amis de ma belle-mère, de collègues de travail… Je ne pouvais pas
toujours répondre mais cela me faisait beaucoup de bien. Ils ne m’ont pas jugés et ont fait preuve de
compréhension alors qu’ils n’étaient pas au courant de l’existence de cette maladie. Ça m’a
beaucoup touché.
Je n’ai eu qu’une de mes meilleures amies qui n’a pas très bien réagit, qui a cru que je la mettais à
l’écart de ma grossesse, que j’en rajoutais, qui a mal pris le fait que je ne lui ai pas annoncé tout de
suite. Je souhaitai lui annoncer de vive voix et je croyais au début que mon état allait vite s’arranger
et que j’allais pouvoir voir du monde. Puis ça n’a fait que se dégrader pour terminer à l’hôpital alors
qu’elle était partie en vacances pendant 3 semaines. Je lui ai donc annoncé par message que j’étais
enceinte de 2 mois (donc ça ne faisait qu’un gros mois que j’étais au courant). On n’aurait d’ailleurs
préférer ne pas le dire pendant les 3 premiers mois car le risque de perdre le bébé était quand même
bien présent avec ce début de grossesse très difficile mais mes proches s’inquiétaient de mon état.
J’ai demandé à tous ceux à qui je l’ai annoncé en avance (nos familles, nos amis proches et mon chef)
de ne pas en parler. Malheureusement, les gens ne savent pas se taire et tout le monde répond
« oui, oui, pas de problème » mais s’octroie le droit de le dire à 2 ou 3 personnes : leur propre famille
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ou amis proches… Ça a également vite fait le tour à mon travail. C’est quelque chose qui m’a
beaucoup déçue, car je n’aurai vraiment pas aimé que tous ces gens soient au courant si j’avais fait
une fausse couche. On n’a dû l’annoncer officiellement un peu plus tard car il fallait bien expliquer à
tous les invités pourquoi on décalait le mariage.
J’ai compris rapidement qu’il y avait un problème avec cette amie car je n’avais pas de soutien de sa
part, très peu de messages pour prendre de mes nouvelles les premiers mois. Ça m’a blessé car
c’était le 1
er coup dur que je vivais depuis que l’on se connaissait et je ne pouvais pas compter sur
elle. Mais vu mon état, je n’avais pas la force de me pencher là-dessus, je devais me concentrer sur
moi, vivre un jour après l’autre, essayer de garder un peu de nourriture… Quand j’ai décalé le
mariage la 2
ème fois, à l’année d’après, j’ai prévenu tout le monde avec le même message. Elle m’a
répondu qu’elle ne savait pas si son mari et elle pourraient venir, ils seraient peut être en vacances…
C’est une de mes meilleures amies et je préviens quand même 10 mois à l’avance ! Je suis restée
choquée, dégoutée, encore plus vu ce que j’étais en train de vivre. Elle me dira plus tard qu’elle
n’avait pas eu l’impression dans le message que je tenais tant que ça à ce qu’elle vienne. J’ai envoyé
le même message à tout le monde, mes soeurs, mes amis ! Personne ne l’a mal pris ! Ils m’ont tous
répondu : tu peux compter sur nous ! J’étais déjà hyper déçue de devoir le décaler encore une fois.
C’est une de mes meilleures amies, c’est acquis, bien sûr que je voulais qu’elle soit là, je n’allais pas la
supplier à chaque message... Je n’ai vraiment pas compris. Ça confirmait qu’il y avait bien un
problème mais je ne pouvais rien faire à ce stade de ma maladie. Mon conjoint la croisa en ville
quelques jours après et il s’arrêta pour en discuter avec elle. Elle lui dit alors que je l’avais mise à
l’écart de ma grossesse, qu’elle elle me l’aurait annoncé tout de suite et que quelques vomissements
ce n’étaient pas grave, qu’elle aussi avait déjà perdu beaucoup de poids rapidement (notamment
avant son mariage, mais elle n’était pas enceinte et n’a pas fini à l’hosto). Ça a mis mon conjoint hors
de lui, il lui a expliqué en détails ce que je vivais. Elle n’avait bien sûr jamais entendu parler de cette
maladie et s’est excusée. Elle m’a écrit en suite et s’est excusée, ça m’a fait plaisir. D’ailleurs dès que
j’ai arrêté de vomir, ce sont les premières personnes elle et son mari que nous avons vu. Ça a été
difficile mais je ne lui en ai pas voulu, la vie est trop courte pour se prendre la tête.
Je passe la 3
ème écho (la 5ème en réalité, j’en n’ai fait une à chaque hospitalisation). Le bébé a bien
grandit et a rattrapé son retard de croissance. C’est une excellente nouvelle ! Elle est même un peu
plus grande que la moyenne. L’écho confirme ce que nous a déjà dit l’obstétricien : notre fille est
déjà en position de sortie, elle a la tête très très basse qui appuie sur le col. Donc on me dit encore :
repos, repos, repos ! Par contre, à cause de cette position, il y a une mesure que le médecin n’arrive
pas à prendre correctement : il s’agit de l’un des 2 ventricules du cervelet. Il doit être inférieur à
10mm et selon la coupe prise, il mesure entre 8 et 12… Le médecin reste 1 heure à appuyer sur mon
ventre puis me demande de sortir et d’aller marcher pendant ½ heure sans trop m’éloigner. Il veut
voir si cela fait bouger un peu bébé afin qu’il puisse mesurer de façon plus fiable. Je fais des tours de
salles d’attente avec mon conjoint, je commence à fatiguer. Le médecin nous rappelle : la petite n’a
pas bougé ! Il nous fixe donc un autre rendez-vous pour refaire une écho deux semaines plus tard
afin de contrôler cette mesure. Je ne suis pas très inquiète, la mesure n’était pas fiable mais j’ai
toujours ça dans un coin de ma tête… Si le ventricule est supérieur à 10mm, cela peut être une
malformation ou une infection…
Heureusement cette 6
ème écho de contrôle, malgré la position toujours identique de bébé, révèlera
une mesure aux alentours des 9.5mm, ce qui est correcte.
9
Au cours du 8
ème mois, maintenant que je me sens un peu mieux, j’accepte de voir 2 collègues de
boulot qui habitent à côté de chez moi. Cela me fait beaucoup de bien de discuter, de raconter mes
malheurs et surtout d’avoir des nouvelles du boulot ! Mes parents, mes soeurs et ma belle-famille
viendront également me voir. Ma belle-soeur me donne des cartons de vêtements de bébé qui
appartenaient à sa fille, je passe plusieurs jours à trier et à tout laver, cela m’occupe !
A 7 mois et demi, mon conjoint attrape la grippe : une semaine d’arrêt de travail. Il ne faut surtout
pas que je l’ai moi aussi car cela peut être dangereux pour le bébé. Je ne peux pas aller passer la
semaine dans ma famille car ils habitent loin et on a plusieurs rendez-vous dans la semaine : écho,
obstétricien, cours de préparation à l’accouchement. On prend milles précautions : je dors sur le
canapé (très mal, je suis crevée), on se lave les mains 20 fois par jour, on ne s’approche pas, mon
conjoint porte un masque… et ça paye ! Il s’en remet très vite et je m’en sors indemne.
Je vis toujours très mal le fait de ne rien faire et d’être enfermée à la maison, seule. J’étais très active
avant et c’est difficile à supporter. D’autant plus que si j’avais travaillé jusqu’au bout, cela ne ferait
que quelques semaines que je serais en congé maternité. Je suppose que j’aurai été contente de
pouvoir me reposer un peu mais là… J’ai vraiment hâte qu’elle arrive mais pour l’instant je n’ai
aucune contraction donc il y a peu de chances qu’elle sorte en avance ! J’espère que je serai
d’attaque pour m’occuper d’elle et que toute cette grossesse difficile ne m’a pas trop affaiblie.
Je ne sais pas si je ferai un 2ème
enfant, ce n’est pas un non catégorique mais je n’ai aucune envie de
revivre ça, ni de prendre le risque que mon bébé ait des séquelles à cause des traitements. Au début
de ma grossesse, mon conjoint me disait : « on n’en refera un autre, tu oublieras, tu verras ».
Aujourd’hui il me dit : je ne peux pas te demander de revivre ça ».
http://www.slate.fr/story/73965/grossesse-nausees-gravidiques-maladie-kate-middleton
http://www.famili.fr/,l-hyperemesis-gravidarum-la-forme-grave-des-nausees-de-lagrossesse,
399,371436.asp
http://9moisavecmabassine.blogspot.fr/
http://campus.cerimes.fr/gynecologie-et-obstetrique/urgences/chap16.pdf